La biodiversité face à la pollution lumineuse

Les pollutions de l’air et de l’eau sont des notions connues et plus ou moins comprises de tous. Cependant, il existe une pollution qui cause tout autant de dégâts en termes de biodiversité et qui reste inconnue par la plupart de gens : la pollution lumineuse.

« L’expression pollution lumineuse (light pollution, ou photopollution pour les anglophones) désigne à la fois la présence nocturne anormale ou gênante de lumière et les conséquences de l'éclairage artificiel nocturne sur la faune, la flore, la fonge (le règne des champignons), les écosystèmes ainsi que les effets suspectés ou avérés sur la santé humaine »

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Effets physiologiques de la pollution nocturne

La pollution lumineuse dans les villes est principalement due aux lampadaires présents pour éclairer les rues. Ces lampadaires ont, la plupart du temps, une longueur d’onde de 484 nm (bleue), identique à la longueur d’onde du soleil. La présence de cette lumière durant la nuit perturbe ainsi les rythmes biologiques naturellement établis. La mélatonine, hormone du sommeil, est alors différée. Cela peut conduire à des insomnies chroniques chez les humains par exemple (Samuel Challéat, La pollution lumineuse: passer de la définition d’un problème à sa prise en compte technique).

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L’expérience menée par l’écologue Franz Hölker ( Hölker, F. ; Wolter, C. ; Perkin, E. K. ; Tockner, K., 2010, Light pollution as a biodiversity threat) sur un groupe de perches Perca fluviatilis, a mis en évidence qu’il suffit d'une très faible quantité de lumière (1 lux = 3 fois la pleine lune) pour réduire le taux de mélatonine qui n’est plus produite en quantité suffisante pour le développement de ces poissons.

Effets sur la faune et l’écologie.

En plus des effets physiologiques, cette pollution lumineuse induit des perturbations comportementales chez les animaux et les insectes. Ces perturbations se retrouvent à différents niveaux : la reproduction, le rythme biologique et les activités en général.

Les insectes volants nocturnes, fortement attirés par cette lumière, tourbillonnent autour jusqu’à mourir d’épuisement. Ce phénomène touche aussi les insectes aquatiques et les insectes rampants qui sont également attirés par cette source lumineuse (source : Jean-Philippe Siblet, Impact de la pollution lumineuse sur la biodiversité). Ainsi, les espèces piscicoles et les autres insectes qui vivent à la surface de l’eau et se nourrissent d’insectes aquatiques se retrouvent privés de leur source alimentaire de base. Cela créer alors des perturbations au niveau des chaînes trophiques (Hölker et al.2010, Light pollution as a biodiversity threat).

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Les poissons migrateurs quant à eux, peuvent pour certains s'arrêter autour des ponts éclairés et perdre du temps et de l’énergie. Ce retard peut perturber la reproduction de ces espèces, car l’arrivée des poissons se fait en décaler et trouver un partenaire devient délicat. Les poissons ne se rencontrent pas au bon moment dans la frayère (Hölker et al.2010, Light pollution as a biodiversity threat). Cette pollution lumineuse se présente comme un facteur de pression environnementale supplémentaire qui peut mettre en danger toute une population.

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Solutions envisageables

Comme énoncé précédemment, les réverbères sont composés de lumières bleues qui perturbent fortement le rythme biologique. Une des principales solutions à envisager serait de remplacer ces lumières bleues par des lumières plus chaudes et plus douces. Des études scientifiques ont mis en évidence que les insectes ne sont pas uniquement sensibles à la clarté de la lumière, mais aussi aux couleurs. Ils distinguent moins bien certains tons de rouge ou de jaune que de bleu.

 C’est le projet entrepris par Sàndor Isépy, responsable des éclairage publics à Augsbourg, qui a décidé de remplacer les lumières de la ville par des LED. Ces LED peuvent être équipées par des filtres de lumières bleues pour avoir une lumière plus chaude et réduire leur impact sur les insectes présents. Cependant, il est nécessaire de réaliser des études plus poussées pour ne pas perturber les autres espèces présentes, potentiellement sensibles à ces couleurs plus chaudes.
La ville régule aussi la lumière dans les rues depuis une centrale. Cette initiative a permis de réduire de près de 40 % la consommation d’énergie de la ville et ainsi réduire son impact environnemental.

Idéalement, il est intéressant dorienter la lumière vers le sol plutôt que vers le haut. Cela réduirait le champ de diffusion de la lumière et limiterait son impact sur les insectes volant et la faune. D’autres solutions, telles que le déclenchement des lumières avec détection de mouvements pourraient être envisagées.

Ressources bibliographiques

Dirk Sanders, Enric Frago, Rachel Kehoe, Christophe Patterson, and Kevin J. Gaston. 2020. A meta-analysis of biological impacts of artificial light at night. Nat. Ecol. Evol. (November 2020)

Samuel Challéat. 2009. La pollution lumineuse : passer de la définition d’un problème à sa prise en compte technique. In Eclairer la ville autrement - Innovations et expérimentations en éclairage public. Presses Polytechniques Universitaires Romandes, 182–197.

Franz Hölker, Christian Wolter, and Elizabeth Perkin. 2010. Light Pollution as a Biodiversity Threat. Trends Ecol Evol. 25, (October 2010)

Jean-Philippe Siblet. 2008. Impact de la pollution lumineuse sur la biodiversité. Synthèse  bibliographique

Travis Longcore and Catherine Rich. 2004. Ecological light pollution. Front. Ecol. Environ. 2, 4 (2004)

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